L'agence de presse Reuters a publié mercredi un rapport d'enquête explosif décrivant le comportement présumé de Tesla, qui consiste à faire preuve de négligence délibérée et à rejeter la faute sur les clients en cas de défaillance de certaines pièces. Le rapport accablant décrit la tendance présumée de longue date de l'entreprise dirigée par Elon Musk à accuser les propriétaires de véhicules d'"abus de conduite" et à leur facturer les réparations causées par des pièces que l'entreprise qualifiait en interne de défectueuses. Les problèmes concernent souvent la suspension et la direction. Vers l'extérieur, la présentation des problèmes par Tesla allait du déni généralisé à la reconnaissance partielle.
Plusieurs rapports font état de propriétaires de Tesla à qui l'on a dit que les problèmes de leurs véhicules étaient dus à des dommages antérieurs ou à des abus de la part du conducteur. Dans certains cas, ils venaient d'acheter les véhicules :
L'un des conducteurs interrogés par Reuters, Shreyansh Jain, a subi un effondrement de la suspension de sa Tesla Model Y de 2023, qu'il possédait depuis moins de 24 heures. Lorsque le constructeur automobile l'a informé qu'un bras de suspension inférieur s'était détaché de la fusée d'essieu, il a supposé que Tesla prendrait en charge la réparation. Un représentant du service après-vente qui a inspecté la voiture a déclaré qu'il n'avait trouvé "aucun signe de dommage externe", comme il l'a indiqué dans un message texte.
Environ une semaine plus tard, Tesla a envoyé une lettre à Jain, rejetant la responsabilité et indiquant comme cause "un dommage antérieur à la suspension avant droite, causé de l'extérieur".
Jain a déclaré qu'il était la seule personne à conduire la voiture le premier jour où il en était propriétaire et qu'il n'avait pas eu d'accident avant que la suspension ne lâche. "Je me suis dit : 'Bon sang, comment le métal peut-il se briser comme ça alors que je sais pertinemment que la voiture n'a rien touché ? Trois mois plus tard, les réparations étaient terminées et Jain a payé une franchise de 1.250 dollars (le reste a été pris en charge par son assurance). Il dit que le coût d'une autre voiture qu'il possédait avait augmenté de manière spectaculaire.
Le chirurgien Trace Curry de Cincinnati a payé 110.000 dollars US pour une Tesla Model X de 2016. Il a remplacé deux fois les bras de suspension du véhicule tout-terrain, une fois dans le cadre de la garantie et une deuxième fois à ses frais. Après l'expiration de la garantie, Reuters a vérifié les factures et a constaté que Curry avait payé environ 10 000 dollars US pour des pièces défectueuses de la suspension et de l'essieu moteur. Puis, en 2018, il a remplacé les demi-arbres avant (sous garantie) ; il les a remplacés à nouveau (à ses frais) pour 1.500 dollars.
L'enquête de Reuters suggère que Tesla savait que de nombreuses pièces qui devaient être remplacées sur le Model X de Curry - bras de suspension, suspensions et demi-arbres avant - avaient un taux de défaillance élevé.
Andrew Lundeen conduisait la Model 3 2018 de sa femme en août dernier lorsque la direction assistée a cessé de fonctionner en passant sur une bosse. L'homme de Santa Rosa, en Californie, a raconté à Reuters qu'un agent de service Tesla lui avait dit qu'un connecteur de la direction assistée était corrodé - et avait attribué cela à un lavage de voiture, que l'agent avait cité comme un problème connu.
Lundeed a payé 4 400 dollars de sa poche pour remplacer la crémaillère de direction et un faisceau de câbles, soi-disant grâce à sa décision courageuse de se rendre dans une station de lavage. "C'est la seule voiture dont j'ai entendu parler et dont une station de lavage peut endommager le câblage", a-t-il déclaré au responsable de Tesla. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous ne sommes pas une entreprise centenaire comme GM ou Ford. Nous n'avons pas encore éliminé tous les défauts".
L'enquête documente également la "mise en boîte" de Tesla et les réactions incohérentes aux rappels de pièces dans différentes régions. Par exemple, les ingénieurs de l'entreprise ont constaté que le bras de suspension arrière, une partie de la suspension, s'est cassé dans plusieurs cas alors que les propriétaires roulaient à faible vitesse (comme pour Jain). Un ancien employé de Tesla "ayant une connaissance directe de la question" a déclaré à Reuters que Tesla avait "résolu" environ 400 plaintes concernant le bras de suspension arrière en Chine entre 2016 et 2020, soit par des réparations sous garantie, soit par des "réparations à titre gracieux" lorsqu'elles n'étaient pas sous garantie.
Le constructeur automobile dirigé par Musk a retardé un rappel pendant quatre ans et n'a accepté de le faire que sous la pression des autorités de régulation chinoises. L'autorité nationale de régulation du marché du pays a justifié sa décision par le "risque d'accidents".
Malgré les rapports mondiaux sur les pannes, Tesla n'a jamais rappelé la pièce aux États-Unis et en Europe. L'entreprise a indiqué aux autorités de surveillance américaines que les problèmes étaient dus à des "abus de conducteurs". Reuters a également consulté un mémo de 2019 demandant aux centres de service d'attribuer les problèmes à un "abus de véhicule", comme le fait de rouler sur un trottoir ou d'autres chocs excessifs. "Abus" et "mauvaise utilisation" sont des conditions du contrat de l'entreprise dirigée par Musk, qui permettent au constructeur automobile de refuser d'honorer la garantie pour des incidents qu'il qualifie comme tels.
La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) enquête sur Tesla depuis 2020 au sujet de la suspension avant (une pièce de la suspension) de la Model S et de la Model X et a commencé à enquêter en juillet sur les défaillances de la direction assistée de la Model 3 et de la Model Y en 2023. Le rapport Reuters de près de 5.000 mots vaut la peine d'être lu, en particulier pour les propriétaires de Tesla qui ont payé les réparations de leur poche. Il devrait également être intéressant pour la NHTSA.
